Le Grand Mal, l’artiste qui a transformé son séjour en hôpital psychiatrique en résidence artistique

par Manon Roussel
Julia Lopez, l'artiste de "Le Grand Mal"

A seulement 22 ans, Julia Lopez a eu l’idée de profiter de son séjour en hôpital psychiatrique pour développer un projet artistique autour des troubles qui l’habitent. Elle raconte la construction de l’entité “Le Grand Mal” dont le film-album sera dévoilé le 17 février prochain, avec un premier titre à découvrir le 20 janvier.

Bonjour Julia ! Pour commencer, peux-tu te présenter en quelques mots et nous dire d’où tu viens ? 

Salut ! J’écris et je chante, je parle aussi, sur mon projet “Le grand Mal”. Ma voix vient se poser sur les instrumentales de mon beatmaker Lebannen, qui vient de Normandie. Et moi, je viens de Marseille. On fait de la musique expérimentale, entre la pop et l’électro.

Electro-pop, poésie, rap, cinéma… ta musique et la réalisation de tes clips semblent puiser dans diverses inspirations, quelles sont-elles ? 

En fait, ce qui surprend souvent les gens quand je leur explique, c’est que je ne m’inspire de rien en particulier. C’est comme si toutes ces choses qui sortaient de ma tête ne venaient de rien. En tout cas, je ne saurais pas dire d’où elles viennent. On me dit souvent que ce que je fais est “bizarre”, “hors du commun”, mais vous savez quoi ? Je ne m’en rends pas compte du tout. Je pense qu’on est tous notre propre critère de normalité. Les humains sont tellement fous, tellement riches et tellement complexes… Alors est-ce qu’on a vraiment besoin de tirer consciemment son inspiration de quelqu’un d’autre ?

Comment perçois-tu justement ces nouvelles hybridations entre les styles musicaux qui prennent de plus en plus leur place à l’heure actuelle ? 

J’ai toujours eu du mal avec les catégories musicales. Les frontières sont vraiment très floues entre chaque genre et, au final, Lebannen et moi, on a pas envie de s’enfermer dans un style. Je pense que c’est ce que devraient faire les gens en général. Faire ce qui leur plaît sans se limiter par des catégories. Et puis sérieux, vous connaissez un genre musical dans lequel il n’y a rien de bien? Avec le temps, on trouve des pépites dans tous les styles.

Le projet “Le Grand Mal” a démarré lors de ton séjour en hôpital psychiatrique, peux-tu nous en dire plus sur la façon dont l’idée t’es venue d’en faire un projet artistique ? 

Je n’avais jamais sérieusement pratiqué de musique, il y a deux ans et demi. Mais les troubles psychiques, ce n’est pas que du mauvais. Quand j’étais à l’hôpital parce que j’allais mal, je vivais parfois, étrangement, des moments d’une beauté incroyable. Un jour, dans une sorte de sensation de grandeur, je me suis dit que ma folie était si belle qu’il fallait que je la dise. Dans le service où j’étais, il y avait un beatmaker. Je suis allée le voir et je lui ai dit que je voulais écrire et apprendre à poser ma voix. Les 6 mois que j’ai passés là-bas se sont alors transformés en une sorte de longue résidence artistique au cours de laquelle j’ai beaucoup progressé et transformé ce “grand mal” en un essor créatif inarrêtable.

Le Grand Mal sur scène

Le Grand Mal sur scène

L’aphantaisie, dont tu es atteinte, est décrite comme une incapacité à se représenter des images mentales. Est-ce que pour toi le fait de donner vie à tes textes sur écran est une façon de te créer tes propres images ? 

Mes pensées sont dénuées de couleurs, de formes, et plus généralement de toute substance. Quand j’ai réalisé le film-album “Boule à facettes”, je ne me suis pas dit que je voulais créer mes propres images. Il ne s’agit pas de combler un vide, mais plutôt d’inviter l’autre dans mon esprit. Finalement, ces images issues de mon absurde renvoient chaque personne à quelque chose de différent qui lui est totalement propre. J’aime bien me dire qu’on est tous à la fois très similaires et très différents, et qu’au fond, tout ce qu’on veut faire, c’est chercher chez l’autre quelque chose qui nous ressemble.

En parlant d’écrans justement, ils font désormais partie du quotidien et d’autant plus pour la génération dont tu fais partie. Qu’est-ce que les réseaux sociaux et internet peuvent apporter comme matière à écrire pour les jeunes artistes ?

Je trouve les réseaux super intéressants, j’ai l’impression qu’ils sont comme une démonstration de la nature humaine. On veut juste se montrer, c’est ça qu’ils nous disent. Forcément, des mécanismes parfois vicieux en découlent, mais j’y vois beaucoup de positif. Vous vous rendez compte, de ce que ça représente, de pouvoir contacter directement une si grande partie des personnes présentes sur Terre? Non, vraiment, tout devient possible !

Tu as travaillé avec ton vrai psychiatre sur ce projet, comment l’a-t-il accueilli et contribué ? 

En effet, j’ai travaillé avec mon psychiatre sur le film-album. J’ai joué mon propre rôle, et il a joué le sien. Le film se présente comme un enchaînement de dialogues entre lui et moi et de parties musicales. Ce qui est marrant, c’est que c’est lui qui m’a proposé de jouer le psychiatre dans mon film. Il a pris le projet très à cœur, ça m’a beaucoup touchée.

Le single “Éclairée par un appareil” est le dernier titre de ton album et pourtant le premier que tu présentes au public : il y a-t-il une raison à cela ?

Carrément ! “Éclairée par un appareil”, c’est la dernière chanson de l’album, et donc la fin du film. Je pense que tout est un cycle, et j’aimais bien l’idée que la fin soit un début et que le début soit une fin. Ça me plaît, que tout ne fasse que finir et recommencer, et je voulais retranscrire ça dans “Boule à facettes”.

Le vocabulaire et la question de la fête ont l’air de prendre une place importante dans ton projet. Quel lien fais-tu entre la fête et l’imagination justement ?

La fête, c’est l’explosion des imaginaires. C’est le moment où tout le monde se réunit autour d’une forme d’énergie collective dans le but d’exacerber les émotions les plus positives possibles. La fête, c’est sortir ce qu’il y a de plus cool de son imaginaire et le partager. Je veux vivre ma vie comme si le monde entier était une fête.

Merci à toi d’avoir répondu à nos questions !

Pour écouter ou acheter l’album, c’est par ici.

 

 


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